Trois livres qui vont donner un sens nouveau à ma vie. Avril 2010 ----------------------------------------------------
Extrait du journal rédigé par Annie Prost.
AVRIL 2010
Trois livres qui vont donner un sens nouveau à ma vie.
Une date marquant le tournant de mon histoire, 2009-2010, deux années qui ont révolutionné ma vie par la lecture de trois livres.
Le premier, offert par Christophe, mon grand ami ostéo en Normandie, Trop intelligent pour être heureux, l’adulte surdoué. L’auteur, Madame Siaud-Facchin, décrit les caractéristiques de l’enfant précoce.
Au niveau biologique : un cerveau qui, en raison d’une vitesse de connexion des neurones proportionnelle au QI, se construit en arborescence.
Cela maximise les connexions, favorise les perceptions multi sensorielles (ouïe, vision, touché, goût, odorat), facteurs d’émotions exacerbées, d’intelligence accélérée et spatio-temporelle (ce que certains peuvent appeler intuition). L’auteur décrit également les grands traits de la personnalité de cet enfant précoce et, plus tard, de l’adulte qu’il deviendra.
Tout d’abord, une hypersensibilité qui, dans ses aspects positifs, se réalise souvent dans des œuvres artistiques ou dans des succès sportifs et par beaucoup de souffrances dans leurs aspects négatifs. Outre une soif de connaissances incessante, un désir d’expression dans de nombreuses activités, cet enfant développe de grandes capacités d’empathie, d’intuition et d’émotions artistiques. Son émotivité est à fleur de peau, et son hypersensibilité est souvent perçue comme excessive : un mot qui, pour la majorité des individus, n’est qu’une blessure passagère, devient pour lui une blessure narcissique souvent insurmontable. Il est souvent inadapté à la scolarité classique, et peut rencontrer des difficultés relationnelles dans un environnement qui ne comprend pas sa différence et sa sensibilité. L’auteur, à surdoués, préfère appeler ces enfants « de drôles de zèbres », car chaque zèbre a des rayures singulières. Avec quelques ami(e)s qui se sont reconnu(e)s dans la description faite par Madame Siaud-Facchin, nous nous appelons « les zébrés ».
Pourquoi ce livre a-t-il révolutionné ma vie ?
Parce que tout à coup, j’ai réalisé que mon hypersensibilité n’était pas due à mon histoire singulière et à une enfance sans mère, ni père, passée en famille d’accueil ou dans les foyers de la DASS, mais à une vraie personnalité de zébrée. Ce qui était perçu jusqu’à présent comme un handicap lié à mon abandon était en fait un atout. Un atout que j’avais transformé dans la réalisation d’une vie étonnante, singulière et réussie. Je me suis sentie ainsi tout à fait bien avec moi-même, débarrassée de ce complexe latent lié à ma différence, «anormalité» de mon histoire, plus forte que jamais pour affirmer ma singularité de vie face à la pression sociale qui vous pousse à adopter une vie conforme à celle de la majorité, vie qui ne m’a jamais fait envie. Je savais depuis longtemps que j’étais intelligente, suite aux tests du psy de l’assistance, mais je n’en avais pas encore mesuré l’impact sur ma sensibilité. À 10 ans, j’étais au foyer dans la classe des « certificats d’études» (14 ans), examen considéré à l’époque comme l’aboutissement d’une scolarité réussie. Je revois le groupe rentrant de l’examen en manteau bleu marine et béret (uniforme du dimanche), attendu par les maîtresses et les autres enfants pour féliciter celles qui avaient réussi. À la rentrée suivante, elles passeraient à la lingerie, ensuite à l’atelier, avant d’être placées à 18 ans comme bonnes à tout faire. Elles auraient appris pendant quatre ans à faire le ménage, la cuisine, à coudre, tricoter, faire des vêtements et à s’occuper des enfants – en l’occurrence les plus petites. Elles devenaient dès la lingerie « petites mères » des plus jeunes et s’occupaient de leurs vêtements. La mienne s’appelait Simone R., était très « costaude », et je n’oublierai jamais la « taloche » que j’ai prise pour avoir déchiré la poche de mon tablier qui était restée coincée dans la poignée d’une porte. C’était un dimanche matin. Cette « petite mère » de remplacement pour tout ce qui était de mon entretien n’était pas destinée à m’apporter la douceur et la tendresse qui me manquaient. Quand on était encore à l’école, on devait tricoter nos culottes, nos chaussettes et nos pullovers, le jeudi matin ou quand on était puni. Je savais tout faire et on doublait les talons des chaussettes pour ne pas les user trop vite. C’était très dur pour des petites mains de 9 ans, mais au moins les chaussettes duraient longtemps, pas comme aujourd’hui où elles s’usent si vite !
À 11 ans, le foyer décidait de m’envoyer en 6 au lycée de Voiron, et j’ai su plus tard par Clémence Fayolle, maîtresse des petites, « les lutins », qu’on ne savait pas quoi faire de moi. Clémence Fayolle me dira plus tard, quand je l’eus recontactée, et que je lui demandai avec inquiétude des nouvelles de Réjane, une enfant handicapée qui n’avait jamais accédé au certificat d’étude, de ne pas m’inquiéter, car elle avait remarqué que c’était les enfants les plus intelligents qui souffraient le plus, et Réjane s’en était bien sortie.
Annie Prost - Avril 2010
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