Chateaubriand effectue ce voyage en 1806. Mon amie Madame Ezvan, originaire de Bretagne, touchée par ma passion pour cet auteur, m’a offert une vieille édition non datée.
Le début de cette lecture m’a révélé tout le bonheur de l’esprit de celui qui, ayant étudié le grec et le latin, peut trouver à parcourir l’Italie et la Grèce, et à retrouver ainsi les lieux et les auteurs qui l’avaient fasciné dans ses études. J’ai bien regretté de ne pas avoir eu cette chance, car cette lecture qui me séduit aurait été encore plus intéressante pour moi. J’aurais ainsi pu goûter et partager le plaisir de Chateaubriand. Je suis encore plus en colère contre cette gauche imbécile qui voulait mettre en option l’apprentissage du grec et du latin et a dû reculer face à la colère des professeurs de ces deux grandes langues qui ont été les références et les bases de notre culture.
Nous ne parvenons pas toujours à les égaler. En voici la preuve dans ces quelques lignes :
« Il y a toujours quelque chose de grêle dans notre architecture, quand nous visons à l’élégance ; ou de pesant, quand nous prétendons à la majesté. Voyez comme tout est calculé au Parthénon ! L’ordre est dorique, et le peu de hauteur de la colonne dans cet ordre vous donne à l’instant l’idée de la durée et de la solidité ; mais cette colonne, qui de plus est sans base, deviendrait trop lourde. Ictinus a recours à son art : il fait la colonne cannelée, et l’élève sur des degrés ; par ce moyen, il introduit presque la légèreté du corinthien dans la gravité dorique. Pour tout ornement vous avez deux frontons et deux frises sculptées. La frise du péristyle se compose de petits tableaux de marbre régulièrement divisés par un triglyphe : à la vérité, chacun de ces tableaux est un chef-d’œuvre, la frise de la cella règne comme un bandeau au haut d’un mur plein et uni : voilà tout, absolument tout. Qu’il y a loin de cette sage économie d’ornements, de cet heureux mélange de simplicité, de force et de grâce, à notre profusion de découpures en carré, en long, en rond, en losange ; à nos colonnes fluettes, guindées sur d’énormes bases, ou à nos porches ignobles et écrasés que nous appelons des portiques ! »
Quel œil et quel regard que celui de Chateaubriand sur le Parthénon, nourri à la culture grecque, il nous donne ainsi une leçon de la beauté en architecture. Beaucoup de guides devraient s’inspirer de ce texte pour faire goûter aux visiteurs les délices de ce cadeau offert à l’humanité par la civilisation grecque. J’ajouterai cette remarque : « Je ne connais rien qui soit plus à la gloire des grecs que ces paroles de Cicéron ». « Souvenez-vous Quintus, que vous commandez à des Grecs qui ont civilisé tous les peuples, en leur enseignant la douceur et l’humanité, et à qui Rome doit la lumière qu’elle possède ». Chateaubriand commentealors, « Lorsqu’on songe à ce que Rome était au temps de Pompée et César, à ce que Cicéron était lui-même, on trouve dans ce peu de mots un magnifique éloge ».
Autre texte à propos de la Patrie
« Il y a deux choses qui revivent dans le cœur de l’homme à mesure qu’il avance dans la vie, la patrie et la religion. On a beau avoir oublié l’une et l’autre dans sa jeunesse, elles se présentent tôt ou tard à nous avec tous les charmes, et réveillent dans nos cœurs un amour justement dû à leur beauté ».
Chateaubriand me confirme une fois de plus qu’il est le seul à occuper le sommet de mon Panthéon de l’intelligence, de la sensibilité et de la culture. Par ses écrits, il nous laisse un merveilleux cadeau.
Bien qu’athée, je le rejoins sur ce dernier thème, car comme je l’ai déjà exprimé, la religion chrétienne est un élément important et fondamental de ma culture, et n’ayant aucune haine pour les vicissitudes que les hommes (les mâles) ont fait d’elle, je peux en apprécier tous ses aspects culturels et artistiques.
J’espère qu’il en sera ainsi dans le futur quand ma génération aura disparu et que l’église sera de nouveau appréciée pour ses valeurs intrinsèques et pas haïe pour les excès de pouvoir et de manipulation qui ont été rejetés par ma génération. Malraux, dans sa prophétie « le XXIème siècle sera religieux ou ne sera pas », s’était-il inspiré de ces paroles de Chateaubriand ? C’est possible.
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